NOUVELLES ARCHIVES
DU MUSEUM
D'HISTOIRE NATURELLE
Cette nouvelle série des Archives du Museum, qui a commencé en 1865, se compose, chaque année, de :
4° Un RECUEIL DE MÉMOIRES inédits;
2° Un BULLETIN, contenant des Descriptions d'espèces nou- velles où imparfaitement connues, des Rapports sur l’ac- croissement des collections du Muséum, des extraits de la Correspondance des voyageurs de cet établissement, et d’autres pièces analogues.
Ces deux parties ne peuvent se diviser ni faire l'objet d’abonne- ments séparés.
Chaque publication annuelle se compose de 40 à 50 feuilles d'im- pression sur format in-4° grand raisin, et de 22 à 30 planches dans ce même format, les unes noires, les autres coloriées, selon la nature du sujet.
La publication se fait en quatre fascicules par an, devant former
ensemble un très-gros volume in-%, accompagné de nombreuses planches.
Prix de l’abonnement annuel. NES due. TE Prix des quatre fascicules de r année, pris après leur entière publication, sans abonnement. . 55 fr.
On ne reçoit d'abonnements que pour un an.
Les abonnements, payables d'avance, doivent être exclusivement adressés à la librairie Théodore Morçanb, rue Bonaparte, 5, à Paris.
PARIS. — J. CLAYE, IMPR'MEUR, RUE SAINT-BENOIT, 7.
NOUVELLES ARCHIVES
DU MUSEUM
D'HISTOIRE NATURELLE DE PARIS PAR MM. LES PROFESSEURS-ADMINISTRATEURS
DE CET ÉTABLISSEMENT
nds on
TOME TROISIÈME
DD — ——
ÉDITÉ PAR L. GUÉRIN DÉPO TI ET VENTE À LA
LIBRAIRIE THÉODORE MORGAND, 5, RUE BONAPARTE
1867
NOMS
MM. LES PROFESSEURS-ADMINISTRATEURS
DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE
CHEVREUR ct eu FLOURENS :54 4... BRONGNEMRR Se
BECOURRRL un,
H. dk LACAZE-DUTHIERS.
PAR ORDRE D'ANCIENNETÉ.
Professeur de Chimie appliquée aux corps organiques. — 1830.
de Physiologie comparée. — 1832.
- de Botanique. — 41833.
de Physique appliquée. — 4838.
d’Anatomie comparée. — 41839.
de Zoologie { Mamm.. et Oiseaux): chargé de la Direction de la Ménagerie. — 4841.
de Culture. — 1850.
de Chimie appliquée aux corps inorganiques. — 1850.
d'Anthropologie. — 1855. ;
de Zoologie (Rep. et Poiss.). — 4857.
de Physique végétale. — 1857.
de Minéralogie. — 1857.
de Géologie. — 1861.
de Paléontologie. — 1861.
de Zoologie (Insectes et Crustacés). — 1862.
de Zoologie { Mol!, Annél. et Zooph.). — 1865.
COMPLÉMENT D’OBSERVATIONS
SUR LA
CHUTE DE MEÉTEORITES
QUI A EU LIEU LE 14 MAI 1864
AUX ENVIRONS D’ORGUEIL PAR M DAUBRÉE
(AVEC DEUX PLANCHES À ET 2.)
ms
Le bolide du 14 mai 1864 et la chute de météorites qui a suivi son apparition ont déjà fait l'objet d’un certain nombre de notes qui ont été publiées vers cette époque dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences 1.
Cependant je crois devoir revenir encore une fois sur cette chute remarquable, dont la connaissance circonstanciée et précise importe à l'étude de l’un des phénomènes les plus intéressants dont nous puis- sions être témoins.
1. Séances des 16, 23 et 30 mai, 13, 20, 27 juin, 41 juillet et 14 novembre 1864. III. 1
9 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.
Parmi les communications qui me sont parvenues depuis lors, quelques-unes méritent en effet aussi d’être, en quelque sorte, enre- gistrées et conservées, comme un complément des premières observa- tions.
Je fais précéder ces extraits de quelques remarques auxquelles m'ont conduit l'interrogation sur les lieux de témoins oculaires, ainsi que l’examen des nombreux échantillons réunis au Muséum d'histoire naturelle. Ces échantillons, au nombre de trente-trois, forment la col- lection la plus complète de cette chute remarquable.
Plusieurs publications ayant fait connaître d’une manière suffi- samment explicite ce phénomène, soit dans sa marche générale, soit dans l'examen des masses qu’il a apportées !, il me paraît superflu de revenir sur une description d'ensemble; mais il est des circonstances qui n'ont pas encore été signalées et que je crois utile d'examiner, d'autant qu'elles se rapportent à un type dont la composition est des plus remarquables et diffère très-notablement des météorites ordi- naires.
Je veux parler 1’ d’une particularité offerte par la composition des météorites d’Orgueil; 2° de la nature de leur croûte; 3° de leur mode de distribution sur le terrain; 4° enfin de la petite quantité de matière qui a été recueillie, comparativement à la masse que le bolide paraissait posséder; circonstances présentées par la plupart des chutes et qui trouvent peut-être une explication dans les faits observés le 14 mai 1864.
4. À part les travaux insérés dans les Comptes rendus et cités plus haut, je dois signaler les relations suivantes :
4° Notice sur un essaim météorique tombé aux environs d'Orgueil, par M. Leymerie, Tou- louse, 1864.
2 Notice sur le même phénomène, par M. Jamin, Revue des Deux Mondes, 45 juillet 1864.
3 Note sur l'aérolithe charbonneux, du 44 mai 1864, par MM. Laroque et Bianchi (Mém. de l’Acad. de Toulouse, t. I, p. 373).
3 À
OBSERVATIONS SUR LA CHUTE DE MÉTÉORITES. e
\
Particularités offertes par les météorites d'Orgueil comparées à celles du type commun. — Complexité de la composition. — Présence d'une substance ayant les caractères de la silice libre. — Intérét que présente
celle composition à plusieurs points de vue.
On sait de quelle manière remarquable la météorite d'Orgueil, tout en se rattachant par la composition et par les conditions de sa chute aux météorites du type commun, en diffère par la composition.
Comme ces dernières, elle est principalement formée d’un ou plu- sieurs silicates magnésiens basiques ; elle est riche en fer et contient du nickel.
Comme les météorites alumineuses, elle contient de la pyrite magnétique très-nettement cristallisée,
Mais elle se distingue, au point de vue chimique, des météorites ordinaires par la présence d’une matière charbonneuse, d'ammoniaque en partie à l’état de chlorhydrate, d'un silicate hydraté; enfin d'un carbonate appartenant à l'espèce breunérite, carbonate double de magnésie et de protoxyde de fer.
Une composition aussi complexe et aussi hétérogène paraît indi- quer que le mode de formation des météorites d'Orgueil diffère, à cer- tains égards, de celui des météorites ordinaires.
Celles-ci, en effet, paraissent avoir été formées en quelque sorte . d'un seul jet, et il semble qu'il en a été tout autrement de la masse dont les météorites d'Orgueil sont les éclats.
Comment comprendre que les minéraux de nature si variée qui composent cette météorite (silicates magnésiens hydratés, carbonate. pyrite magnétique cristallisée) , et qui, d'après l’état actuel de la science, ne paraissent pas pouvoir se former dans les mêmes condi- tions, aient pris naissance simultanément, comme les météorites du
D NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.
type commun, qui ont tous pour caractère d'être susceptibles d’être reproduits à haute température par la voie sèche?
C'est comme si les minéraux formant la météorite d'Orgueil résul- taient de phases successives subies par une matière primitive plus simple, et comme si cette météorite constituait ainsi l'un des termes avancés d'une véritable évolution. |
Certains échantillons de la chute d'Orgueil présentent de petits grains d'une matière parfaitement blanche, qui se distinguent par conséquent avec beaucoup de netteté sur la couleur noire de la pâte, malgré leur petitesse. Leur diamètre excède rarement un millimètre. Is sont friables, et leur poussière, transparente et incolore, ne pré- sente, à l'examen microscopique, que des formes anguleuses et frag- mentaires.
Cette matière est inattaquable par l’acide chlorbydrique concen- tré et bouillant. Chauffé au blanc sur un fil de platine à la lampe de Bunsen, chaque grain conserve ses arêtes tout à fait vives. Au chalu- meau avec le sel de phosphore, elle ne se dissout pas; avec le carbo- nate de soude, elle fond en un verre transparent.
La petite quantité de substance dont on pouvait disposer n’a pas permis d'en faire un examen plus approfondi, mais les réactions qui précèdent montrent qu'elle à tous les caractères de l'acide silicique.
Elle parait d’ailleurs inactive sur la lumière polarisée, comme les variétés de quartz amorphe et comme l'opale. |
Jusqu'à présent le quartz n’a pas été rencontré dans les pierres météoriques : le seul exemple de cette substance qui ait été signalé se rapporte au fer météorique de Toluca, où il a été observé par M. Gus- tave Rose.
La singularité de la présence de l'acide silicique libre au milieu d'un silicate aussi basique que celui qui constitue la météorite d'Or- gueil, peut s'expliquer par cette circonstance que cet acide silicique ne se serait pas formé en même temps que la pâte, mais qu’il parai-
OBSERVATIONS SUR LA CHUTE DE MÉTÉORITES. 5) À trait s’en être séparé ultérieurement, par un effet de décomposition du silicate. Son apparition est comparable peut-être à celle des efflores- cences de sulfates à bases de magnésie, de chaux et de protoxyde de fer qui se Rrofnisene rapidement par l'exposition des échantillons à l'air humide ". |
Parmi les météorites charbonneuses connues, aucune ne res- semble plus à celle d'Orgueil que la météorite d’Alais. La ressem- blance est si grande, qu'on pourrait les prendre pour des échantillons d'une même chute.
Il faut toutefois remarquer que la comparaison ne pourrait être poussée dans les moindres détails, puisque la pierre d’Alais, d’une nature évidemment altérable, ne possède plus exactement ses carac- tères originels. |
Faisons observer que les météorites qui nous occupent nous offrent encore cet intérêt, pour le géologue non moins que pour le chimiste, qu'elles nous montrent une combinaison charbonneuse dans un corps planétaire où rien ne prouve jusqu'ici l'existence d'êtres organisés, animaux ou végétaux.
Ce sont des météorites d’une constitution à la fois aussi caracté- ristique et aussi rare, dont le retour permettra peut-être plus tard d'éclairer la nature du mouvement de ces corps, en faisant découvrir une certaine périodicité entre des chutes analogues.
Les météorites charbonneuses nous apprennent encore, par leur composition essentiellement différente des matières volcaniques, que
1. Pour conserver sans altération les météorites d'Orgueil, il importe de les soustraire au contact de l'air humide, par exemple en les maintenant sous une cloche hermétiquement fermée en présence de potasse caustique; ce moyen est employé au Muséum. D’autres échan- tillons sont placés sous des cloches où l’on a fait le vide aussi exactement que possible. Ce moyen paraît préférable au précédent, puisqu'il n’est pas démontré que l’air sec soit absolumen: sans action sur les météorites charbonneuses. Un autre échantillon a été déposé dans un vase à parois de glace et fermé avec du baume, de telle sorte que la petite quantité d'air qu’il contient ne puisse se renouveler.
Fr 6 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.
l'on n’est pas autorisé à revenir à l'ancienne hypothèse, renouvelée avec beaucoup de talent par M. Laurence Smith, et d’après laquelle les météorites seraient lancées par les volcans lunaires.
Différence d'épaisseur que présente la croûte vitrifiée. Double croûte
annonçant deux actions distincles et successives.
Comme toutes les météorites, chacune de celles qui sont tombées à Orgueil est recouverte d’une croûte vitrifiée. Cette croûte présente la plus grande ressemblance avec celle que l’on peut produire artifi- ciellement sur cette pierre, en la soumettant à la chaleur du chalu- meau; elle résulte certainement de la fusion superficielle qui s’est opérée sur chacune de ces météorites, par suite de l’incandescence qu'elles ont subie en traversant notre atmosphère.
Si on examine certaines de ces météorites qui ont conservé en totalité la surface qu'elles avaient en arrivant sur le sol, on peut remarquer que leur croûte externe n’a pas un aspect uniforme. Sur une partie de son étendue cette croûte est excessivement mince, unie et souvent irisée, tandis que, sur une autre partie du même échantil- lon, elle est notablement plus épaisse, rugueuse et comme chagrinée. L'écorce épaisse se détache sur lécorce mince par une sorte de rebord ou de bourrelet qui annonce qu'elle est postérieure à cette dernière, puisqu'elle s’est étendue à sa surface.
Les rugosités et ondulations de cette seconde écorce indiquent la manière dont elle s'est étendue pendant le mouvement de la météo- rite, en ruisselant sur sa surface. Elle peut même servir à reconnaître la direction que suivait cette sorte de projectile dans son mouvement.
Quelques échantillons, dont la forme rappelle celle d’un projectile Cylindro-conique, ont dû subir la fusion d’abord sur la partie convexe
qui, dans le mouvement rapide de translation, se trouvait en avant :
OBSERVATIONS SUR LA CHUTE DE MÉTÉORITES. 7
c'est de cette partie antérieure que la fusion s’est étendue vers la sur- face d’arrière, en rayonnant et en formant un bourrelet continu. Entre autres météorites, celles représentées, pl. I, fig. 2, 3 et 3 bis mon- trent clairement cette disposition .
D'après la manière uniforme dont la seconde croûte s’est éten- due, on doit supposer que les météorites ne possédaient pas un mou- vement de rotation régulier au moment de la fritte et de la liquéfac- tion qui s'en est suivie. Cette conclusion est conforme à celle que M. Fleuriau de Bellevue a déjà déduite de l'examen qu'il a fait avec beaucoup de sagacité des météorites tombées le 43 juin 4819 à Jonzac (Charente-Inférieure).
L'existence et la disposition relative des deux croûtes conduisent encore à une autre conclusion : c'est que les météorites qui les pré- sentent ont, depuis leur entrée dans l'atmosphère, subi deux fusions successives de leur surface.
D'abord une fritte générale, qui s’est étendue uniformément sur la totalité, et qui correspond peut-être à la chaleur qui a accompagné l'explosion.
Ensuite une recrudescence de fusion, mais seulement sur la par- tie qui frappait l'air, en le refoulant avec intensité, à raison de l'énorme vitesse. L'air ainsi refoulé à fait éprouver comme un coup de chalu- meau à la partie antérieure de chaque éclat. A raison de son épais- seur, cette seconde fritte correspond à une action moins rapide ou plus intense que la première *.
Ilest encore à remarquer que les parties de la surface, à cavités alvéolaires, présentent en général l'écorce de nature mince, et qu’elles devaient par conséquent se trouver pour la plupart à l'arrière dans
1. Comme exemples, je citerai aussi deux échantillons du musée de Montauban, l’un pesant . 1300 gr., ramassé à Orgueil, l’autre pesant 82 gr., provenant de Campsas.
2. Les différences dans la croûte, que présente la pierre tombée à Gross-Divina, en Hongrie, le 24 juillet 1837, sont tout à fait du même genre.
8 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.
le mouvement. Cette conclusion est tout à fait d'accord avec l’observa- tion déjà connue, rappelée à l’occasion du fer de Sarepta par mon émi- nent ami, M. de Haidinger. Le côté d'avant ou de poitrine (Brustseite) différe du côté d'arrière ou de dos (Ruckseite), par l'absence presque totale de ces cavités caractéristiques ‘
Les deux écorces dont il vient d’être question ne sont pas égale- ment distinctes sur tous les échantillons.
Les météorites d'Orgueil sont arrivées froides dans l'atmosphère.
La nature essentiellement impressionnable des météorites d'Or- gueil permet de conclure que la chaleur à laquelle elles ont été sou- mises n'a été que de très-courte durée.
Ces météorites se distinguent, en effet, de toutes celles qu'on a ordinairement l’occasion d'examiner, en ce qu'elles contiennent en- core des matières volatiles, qu'une chaleur de quelque durée eût né- cessairement fait disparaître. Or, d’après l'examen que M. Cloëz a bien voulu faire sur ma demande, les parties voisines de l'écorce renfer- ment encore de ces matières volatiles; mais, comme on pouvait le pré- voir, dans une moindre proportion que les parties intérieures. Chacune de ces météorites était donc non-seulement solide, mais à une tempé- rature très-peu élevée au moment où sa surface, devenue incandes- cente, est entrée en fusion, au moins pour quelques instants.
D'après l’analogie étroite existant entre les chutes de météorites de tous les types, on doit supposer que les météorites ordinaires, elles aussi, arrivent froides dans notre atmosphère.
Les études récentes sur la production mécanique de la chaleur
1. Haidinger, Meteoreisen von Sarepta Sitzungsbericht der Academie der Wissenschaften. t. 46, 1862, 2% juillet.
OBSERVATIONS SUR LA CHUTE DE MÉTÉORITES. 9
ont amené plusieurs savants à supposer que la chaleur des météorites est due à la perte de leur force vive. Les météorites charbonneuses contredisent cette hypothèse; car, au lieu d’être chaudes jusque dans leur centre, comme elles le devraient dans cette manière de voir, elles renferment des substances qu’une faible élévation de température eut altérées ou dissipées. Ce serait donc plutôt dans le frottement qui doit résulter d’une telle vitesse, et dans l'électricité que ce frottement éner- gique peut provoquer, qu'il faudrait chercher une cause de chaleur. Rien ne prouve d’ailleurs que ces petits corps planétaires ne soient pas pourvus d’une atmosphère propre ou. plus généralement, d’une enveloppe de nature inflammable.
C’est seulement à l'arrivée dans l'atmosphère que paraît avoir lieu
l'explosion, cause de la forme fragmentaire.
Le gros échantillon que le Muséum tient de la libéralité de M. le maréchal Vaillant fournit, entre autres remarques intéressantes, un fait digne d'attention.
La disposition de son écorce et de son bourrelet, ainsi que celle de sa partie alvéolaire, permettent de reconnaitre la position qu'il avait en traversant l'atmosphère. Or cet éclat, qui ressemble à une écaille épaisse détachée d’une surface courbe, au lieu de fendre l'air dans le sens de son épaisseur comme le ferait une pierre plate lancée violemment, a, au contraire, exécuté son trajet en refoulant l'air par sa grande surface. Ce fait paraît indiquer que le fragment a été pro- jeté au moment de l'explosion avec une vitesse trop considérable. pour qu'il ait pu changer sa position initiale contre une situation de moindre résistance, au moins dans les premiers moments. On pourrait supposer qu'il a donc été contraint à prendre cette position anormale
HI. 2
10 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. comme l'est un éclat de bombe, au moment de l'explosion du pro- jectile.
Rien n'autorise d’ailleurs à admettre, comme on l’a dit, que les diverses météorites d’une même chute voyagent dans les espaces séparées les unes des autres, en société et comme par essaim. Outre diverses considérations qu'on pourrait invoquer, le fait qui vient d'être signalé paraît fournir une preuve que les météorites d’une même chute formaient une masse unique, jusqu'à l'instant où, après son entrée dans l'atmosphère terrestre, elle a été brisée par suite de
l'explosion.
Carte indiquant les localités d’où l’on a observé le bolide du Al mai 1864,
ainsi que les principaux phénomènes physiques qui l'ont accompagné.
La carte qui est figurée planche 2 résume d’une maniere synop- tique les principaux phénomènes physiques qui ont accompagné l'ap- parition du bolide du 44 mai 1864, et complète utilement les diverses communications faites sur ce sujet à l’Académie des sciences.
Elle montre les principales stations d’où le phénomène a été observé; la plus septentrionale est celle de Gisors (Eure) qui est située à environ 600 kilomètres vers le nord.
La grandeur de l’étendue sur laquelle le bruit de l'explosion s'est fait entendre, étendue qui n'a pas moins de 280 kilomètres de dia- mètre, est un fait très-digne de remarque. On y voit aussi la limite au delà de laquelle l'explosion n’a pas été entendue, et celle au delà de laquelle on n’a pas pu la voir, si la hauteur trouvée est exacte. Ces deux lignes (CC et DD) sont respectivement à des distances de 430 et 520 kilomètres du lieu de la chute.
Sur un diamètre de 200 kilomètres, comme le montre la carte, ce bruit a même été entendu d’une manière très-intense; les lignes AA et BB indiquent l'étendue de ces deux surfaces.
OBSERVATIONS SUR LA CHUTE DE MÉTÉORITES. 11
Cette dernière circonstance est très-digne d'intérêt; car l'explo- sion a certainement eu lieu dans une région très-élevée, où la raré- faction de l'atmosphère rend la propagation du son très-difficile. Cette hauteur, comme on l'a montré antérieurement, est un peu moindre de 40 kilomètres au-dessus de la terre.
Pour qu'une explosion produite dans des couches d'air aussi raréfiées ait donné lieu, à la surface de la terre, à un bruit d’une pareille force sur une étendue si considérable, il faut admettre que son intensité, dans les hautes régions, a dépassé tout ce que nous COnNaissOns.
Distribution topographique des météorites recueillies.
M. Abrial, ingénieur des ponts et chaussées à Montauban, a bien voulu, à ma prière, faire relever avec soin, par l’un de ses agents, tous les points où l’on a découvert de ces masses.
Quel que soit le soin avec lequel ait été faite cette enquête, ce tableau ne peut pas être complet, car un certain nombre de pierres sont certainement restées et resteront sans doute à jamais inconnues, parce qu'elles ont été entièrement délayées par les pluies, avant que l'enlèvement de la moisson ait mis le sol à découvert.
Toutefois, l'examen de ce relevé conduit à quelques conclusions dont voici la principale * :
D'abord, l'aire de projection forme un ovale très-allongé compris entre le Tarn et la Garonne, ainsi qu’on le voit sur la carte ci-annexée. planche 4. Cet ovale a 20 kilomètres de longueur sur 4 de largeur *.
.
1. La carte jointe à ce mémoire porte des numéros qui signalent les points où les échan- tillons ont été recueillis. Les numéros ne doivent, du reste, être considérés que comme de simples signaux indicatifs. Ils correspondent à un catalogue qu'il serait sans intérêt de reproduire ici.
2. D’après une communication obligeante de M. Victor Brun, on a aussi trouvé à Faux.
4? NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.
Sa principale dimension s'étend dans la direction de l’est à l'ouest, c'est-à-dire à peu près dans le sens du mouvement du bolide, et à peu de distance au delà du point où paraît avoir eu lieu l'explosion princi- pale à laquelle se rattache sans doute leur dispersion.
Quant à la grosseur des météorites, elle n’est pas irrégulière- ment répartie sur l'aire de projection. Les plus nombreuses, d’un poids moyen d'environ 100 grammes, ont été ramassées aux environs de Campsas. Les plus petites, dont quelques-unes ne pesaient que 15 grammes, ont éte trouvées dans la partie occidentale, notamment aux environs de Montbéqui, tandis qu'au contraire c’est dans la partie la plus orientale que se sont trouvées les plus volumineuses. Aussi les échantillons pesant au delà de 1 kilogramme ont tous été recueilis à l’est de la route de Montauban à Toulouse, passant par Frontin, et le plus gros pesant 2 kilogrammes, et qui est tombé au château de Beau- danger, occupe précisément la position la plus avancée de toutes vers l'est.
Le triage à été évidemment produit par l’inégale résistance que l'air opposait à ces projectiles selon leur masse : ce qui s'accorde avec la Supposition qu’ils arrivaient, suivant la même direction et très- rapprochés les uns des autres.
Un caractère remarquable présenté par les météorites, c’est l'iden- tité qui existe entre les échantillons d’une même chute; cette identité est d'autant plus digne d'attention dans le cas particulier, que les mé- téorites sont d’une nature rare, et qu'on pourrait croire, d’après leur nature charbonneuse, hydratée et hétérogène, provenir des parties su- pertficielles d’un corps planétaire où. pour la position, mais non pour l’origine, elles correspondraient en quelque sorte à la terre végétale.
Remarquons d’un autre côté que si, par une circonstance quelcon-
commune de Saint-Maurice, canton de Beauville (Lot-et-Garonne), des débris noirs charbonneux, ayant de l’analogie avec le produit que fournissent les météorites d'Orgueil, après avoir été dé- layées par l’eau ; mais l'identité n’a pas pu être démontrée.
OBSERVATIONS SUR LA CHUTE DE MÉTÉORITES. 13
que, une explosion détachait des éclats de la croûte terrestre, ceux-ci ne présenteraient pas une telle homogénéité.
Une partie de la masse du bolide ne ressort-elle pas de l'atmosphère
après l'explosion ?
Le faible poids des morceaux qui tombent sur le globe, comparé aux apparences du phénomène qui précède les chutes, conduit à une supposition que je crois devoir présenter, malgré l'incertitude inhé- rente à un pareil sujet.
Bien que tous les fragments aient été recherchés avec le plus grand soin par les cultivateurs qui trouvaient à les vendre trés-avan- tageusement, le poids total de tout ce qui a été réuni ne peut guère être estimé a plus de 15 kilogrammes, ce qui formerait au plus quel- ques décimètres cubes. Quand même on décuplerait ce chiffre pour tenir compte des masses inaperçues, on aurait encore un poids bien insignifiant, par rapport aux manifestations si grandioses du phéno- mène qui à été aperçu simultanément de régions situées au nord de Paris et de plusieurs points de l'Espagne.
Il'est vrai que la chaleur intense et l'énorme frottement qu'éprou- vent ces masses, lors de leur passage dans l'atmosphère terrestre, sont assez puissants pour déterminer à la fois la combustion de certains éléments et la pulvérisation de certains autres.
C'est en effet la manière la plus simple d'expliquer cette traînée nuageuse, d'un gris cendré, et assez brillante pour avoir été qualifiée par plus d’un observateur de nébulosité. Une pareille traînée, pour conserver un état lumineux pendant plusieurs minutes, comme cela s'est vu dans la chute d'Orgueil, devait tenir en suspension des matières incandescentes très-fines, à moins toutefois qu'on ne préfère
1h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.
recourir à l'intervention, peut-être gratuite, de phénomènes élec- triques.
Ainsi, en résumé, les bolides nous abandonneraient de leur sub- stance de trois manières différentes : 4° par combustion et réduction à l'état de gaz et de vapeur; 2° par dispersion de poussières qui retom- bent en général sans être observées et analogues à celles qui ont été recueillies à la suite de certains météores; 3° enfin par la dispersion de fragments qui se détachent au moment de lexplosion.
En tenant compte de ce qui vient d'être dit, il est bien difficile d'admettre, comme on l’a fait quelquelois, et notamment à propos de la météorite du 14 mai 1864, que les fragments qui tombent repré- sentent, avec les parties brûlées ou disséminées, la masse totale du bolide.
En effet, à moins qu'une masse ne possède une densité et une ténacité comparables à celles du fer, il faut bien qu'elle ait un volume considérable pour se frayer ainsi un passage dans l'air, mal- gré l'énorme résistance qu'il lui oppose, et ne pas dépenser pendant un aussi long trajet la quantité de mouvement dont elle était ani- mée.
Toute personne qui maniera un échantillon des météorites d'Or- gueil concevra à l'instant qu’une masse peu considérable-d’une sub- stance aussi éminemment fragile et incohérente, formant comme un agrégat hétérogène à peine cimenté, n'aurait pu vaincre la résistance énorme que lui opposait l'atmosphère, sans être en quelque sorte entièrement réduite en poussière.
Il serait donc possible que le bolide fût formé, en général, d'un noyau résistant, el qu'après nous avoir projeté, par une ou plusieurs explosions, sa partie superficielle, il continuât sa trajectoire.
Et ce qui prouve que cette manière de voir n'est pas une pure spéculation, c'est que plusieurs témoins dignes de foi, après l’incan-
descence éblouissante qui a suivi la seconde explosion, ont distingué
OBSERVATIONS SUR LA CHUTE DE MÉTÉORITES. 15
le bolide continuant sa course, mais réduit seulement à l'éclat d’un rouge sombre et diminuant graduellement de grandeur jusqu’à ce qu'il ne fût plus visible; ce qui se conçoit, attendu son rapide éloignement et la décroissance de sa chaleur et de sa lumière, par son retour dans les espaces, en traversant des couches atmosphériques de moins en moins denses.
Quand on voit la facilité avec laquelle un boulet ricoche sur l'eau, on peut comprendre comment un bolide pareil ricoche habituellement sur les couches supérieures de l'atmosphère. Dans ce dernier cas, la plus faible résistance de l'air se trouverait compensée par l'énorme vitesse du projectile.
En résumé, le corps qui avait manifesté son arrivée par un splen- dide phénomène lumineux et par un bruit si imposant s’est borné à lancer sur notre globe des éclats d’un volume insignifiant.
Les choses se passent donc comme si la plus grande partie de la masse météorique ressortait de l'atmosphère pour continuer sa trajec- toire, n’abandonnant que quelques parcelles dont la vitesse. à la suite de l'explosion, se trouvait amortie.
Quant à l'explosion elle-même, la manière la plus simple de l'ex- pliquer par analogie avec ce qui se passe sous nos yeux consiste à admettre que les couches superficielles du bolide éclatent sous la cha- leur rapide et intense qui se développe, comme le fait une pierre sili- catée sous l’action brusque du chalumeau !.
Sans doute, par l'effet de l'énorme chaleur à laquelle est soumis le bolide, des matières hydrocarbonées comme celles que contiennent les météorites d'Orgueil doivent subir une sorte de distillation, ou une évaporation de liquides volatils et inflammables, à la manière du pétrole, d'où résulteraient des gaz inflammables dans l'oxygène
1. C’est ce que j'ai montré par l'expérience, dans une note sur la décrépitation des roches les plus dures, Annales des Mines, 5° série, t. XIX, p. 23, 1864.
16 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM.
atmosphérique. D'ailleurs, rien ne prouve qu'à part cette exhalaison momentanée ces petits corps planétaires ne soient pas pourvus d’une atmosphère propre, qu'à la vérité ils abandonnent bientôt en entrant dans notre atmosphère. Ces gaz, quelle qu’en soit l’origine, peuvent bien par leur combustion contribuer à l'éclat du météore ; mais, comme ils brûleraient d’une manière continue, il faut avouer qu'ils laissent sans explication le fait de l'explosion qui précède toute chute de mé- téorites, sans parler de la difficulté spéciale que présente une suite de détonations, comme on l’observe fréquemment, de manière à faire penser à des recharges successives de l'appareil explosif 1.
Extraits de quelques lettres formant le complément de celles qui ont été antérieurement publiées dans les Comptes rendus de l’Académie des’sciences.
Lettre de M. Boisgiraud aïné, ancien professeur de physique à la Faculté de Toulouse.
Gémozac, le 42 juin 4864. {Charente-Inférieure.
Je ne me suis aperçu de l'apparition lumineuse qu'au moment de l'explosion. Le bolide était alors divisé en plusieurs fragments des- cendant vers la terre et projetant une vive lumière. J'ai évalué la hau- teur à une trentaine de degrés au-dessus de l'horizon. Pensant que la division du bolide était due à une explosion, j'ai écouté attentivement pendant quelques minutes, et je n’ai rien entendu.
Lettre de M. Fournet, correspondant de l'Institut. Lyon, le 49 juin 14864. Le bolide a été vu d’une station située un peu au-dessous de Vourles, au sud de Brignais, par M. Joannon qui donne les détails sui- vants :
4. Lors de la chute d'Orgueil, on a entendu, à une fraction de seconde d'intervalle, deux explosions, la seconde incomparablement plus forte que la première.
OBSERVATIONS SUR LA CHUTE DE MÉTÉORITES. 17
À partir du moment où il a attiré les regards, le météore a semblé parcourir deux ou trois kilomètres. Sa course était horizontale. à peine aussi rapide que celle des étoiles filantes ordinaires. Comme niveau, il a paru dépasser de peu les montagnes de Mornant qui bornent l'ho- rizon occidental, La couleur du bolide était blanche, peut-être un peu : rougeñtre dans le noyau, lorsqu'il éclata. Nous n'avons pas entendu | de détonation. D'après les altitudes de la station et des sommets des montagnes de Saint-André-la-Côte et de Priverie qui dominent Mor- nant, la trajectoire du bolide aurait eu en moyenne une hauteur de h ou 5 degrés environ au-dessus de l'horizon.
Lettre de M. Amédée Guillemin. Fontainebleau, le 47 juin.
C’est dans la direction du $S. S. O. qu'est apparu le globe lumi- neux, se mouvant lentement dans la direction de l’ouest à l’est, sui- vant une ligne légèrement courbe et inclinée vers l'horizon. Sa hau- teur au-dessus de l'horizon était de 4 à 5 degrés ‘ ; sa forme était celle d’un globe enflammé terminé par une longue traînée allant en s’amin- cissant du côté opposé au globe. Il disparut sous l'horizon à peu près dans le méridien, et après avoir décrit un arc d'environ 50 ou 60 degrés ; mais une partie de sa trajectoire avait été masquée par un bouquet d'arbres. Les personnes qui m'ont donné ces détails estiment que la grosseur de la tête du bolide était notablement moindre que le disque lunaire.
4. Un croquis accompagnant cette explication semblerait donner une hauteur un peu plus considérable à la trajectoire.
lil, +4
48 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.
Lettre du contre-amiral vicomte Fleuriot de Langle, major général du port de Lorient.
Lorient, le 45 juin.
La trajectoire était bien indiquée de l'O. N. 0. vers l'E.S. E. Ason apparition, le globe me parut élevé de 30° au-dessus de l'horizon et la trajectoire inclinée de 15° sur l'horizon. Je ne crois pas me tromper en évaluant à trois secondes la durée de son apparition. Des arbres et des haies m'ont empêché de bien juger les éléments de la trajectoire.
Le bolide à encore été vu dans plusieurs localités différentes de celles qui ont été signalées antérieurement, notamment à Férins (Seine-et-Marne), à Béville (Eure-et-Loir), etc.
M. Payen, architecte à Santander, à qui on avait demandé des renseignements circonstanciés sur l'apparition du bolide qu’il n'avait fait lui-même qu'apercevoir, s’est livré à une enquête d'où résultent les faits suivants :
1° La trajectoire paraissait sensiblement droite et verticale.
2° Elle était presque directement dans l’est.
5’ Au moment où le bolide a été vu aux environs de Santander. sa hauteur au-dessus de l'horizon a été évaluée de 20 à 30°.
k° La moyenne des indications trés-concordantes fournies par quatre personnes différentes donne 110° 10’ pour l’azimut magnétique du point où le bolide a disparu. Or, déduction faite de la déclinaison. l’azimut vrai se trouve être de 8/4°degré 1/2 environ et donne une direc- tion qui passe à très-peu près par Nérac.
5° Enfin la lueur était d’un rouge jaunâtre et laissait derrière elle une traînée restée visible pendant au moins une minute. On n’a pas vu l'explosion et on n’a entendu aucun bruit. L'heure de l'observation. donnée par l'horloge de l’une des stations du chemin de fer d’Isa- belle IT, était 7 heures 34 minutes en temps de __ ce qui fait 7 heures 58 minutes en temps de Paris.
Tous ces renseignements concordent d’une maniére remarquable
OBSERVATIONS SUR LA CHUTE DE MÉTÉORITES. 19
avec les observations faites antérieurement dans la plupart des sta- tions plus méridionales que le lieu où sont tombées les météorites. M. Payen, pour se les procurer, a pris la peine de parcourir les envi- rons de Santander à 12 ou 14 kilomètres de distance et de consulter un grand nombre de spectateurs (plus de 200) auxquels il a adressé des questions simples et précises. Les directions et les hauteurs appa- rentes qui lui ont été indiquées ont été mesurées par lui à l’aide d'une boussole armée d’un éclimètre. Il était impossible de s'acquitter de la tâche qu'il avait bien voulu accepter, avec plus de zèle et de succès. C'est là un louable exemple de dévouement à la science.
PI. I, Météorites de la chute d'Orgueil.
(14 mai 1864.)
N. B. Toutes les météorites représentées sur cette figure sont réduites à moitié de la dimension linéaire.
1 et 4 bis. Météorite d'Orgueil pesant environ 2 kilogr., donnée au Muséum par M. le maréchal Vaillant.
2 Météorite d'Orgueil pesant 54 gr. (n° 2Q-235).
3, 3 bis, 3 ter. Météorite d’Orgueil pesant 308 gr. (n° 2Q-234).
4 et 4 bis. Météorite d'Orgueil pesant 360 gr. (n° 2Q-319).
5. Météorite d’Orgueil pesant 78 gr. (n° 20-240).
6 et 6 bis. Météorite d’Orgueil pesant 754 gr. (n° 2Q-238).
Plusieurs de ces météorites, notamment les n°* 4, 4 et 6, montrent, tout aussi bien que les météorites ordinaires, la forme évidemment fragmentaire, en même temps que les cavités alvéolaires.
7. Météorite de Jonzac pesant 754 gr. (n° 2Q-103).
Elle montre que sa croûte brillante a ruisselé à trois reprises, correspondant chacune à des bourrelets parfaitement prononcés, et rappelant d’une manière frappante ceux des météorites charbonneuses d’Orgueil, particulièrement ceux de la figure 3.
MÉMOIRE
SUR LE
REPTILE DÉCOUVERT PAR M. FROSSARD
A MUSE (SAONE-ET-LOIRE)
PAR ALBERT GAUDRY
DOCTEUR ÈS SCIENCES
(PLANCHE 3.)
M. le pasteur Charles Frossard a trouvé les restes d’un reptile dans le schiste bitumineux de Muse, près d’Autun ‘; il les a remis à M. d’Archiac, qui m'a confié le soin de les décrire.
Le fossile de Muse est intéressant pour l'étude de la transforma- tion des types dans les temps géologiques, car il appartient au groupe des ganocéphales, ces étranges amphibies, qui. selon les remarques
1. Il en est souvent des étages géologiques comme des espèces fossiles; il est difficile de tracer entre eux des démarcations tranchées ; ainsi, les géologues sont partagés sur la ques- tion de savoir si le schiste bitumineux de Fe doit être attribué à la partie inférieure du terrain permien ou à la partie supérieure du terrain houiller.
22 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. de M. R. Owen, établissent la transition entre les poissons et les reptiles.
Sa découverte comble une lacune dans la paléontologie de notre pays; jusqu'à présent, on n'avait pas observé en France de reptiles d'un âge aussi ancien. Au contraire en Allemagne, dans la Grande- Bretagne et en Amérique, on a, depuis quelques années, extrait les dé- pouilles de nombreux reptiles de l'époque houillère. La rapidité avec laquelle s'accroît la liste de ces animaux des temps paléozoïques est une preuve frappante que l'étude du monde fossile a été à peineeffleurée. I y a seulement 22 ans, on n'avait pas cité de vertébrés supérieurs aux poissons dans les terrains houillers. En 1844, M. de Meyer ren- contra l’Apateon, à Münster-Appel (Bavière rhénane); en 1847, Gold- fuss décrivit l’Archegosaurus du district de Saarbruck (Prusse rhénane); en 1855, M. Owen signala dans le district de Glasgow le Parabatra- chus, et dans la Nouvelle-Écosse, le Dendrerpeton; bientôt après. on découvrit dans le même pays le Baphetes. En 1858, M. Wyman trouva le Raniceps, dans le Cannel-Coal de l'Ohio; en 1860, M. Dawson, explo- rant le tronc d’une Sigillaria dans une charbonnière de l'Ohio, en re- tira l’Aylonomus; pendant 1862, M. Dawson rapporta l’Hylerpeton du Coal-Measure de la Nouvelle-Écosse, et M. Huxley fit connaître le Loxomma et le Pholidogaster du Coal-Field d'Edinburgh; en 1863, l'Anthracosaurus s'ajouta aux reptiles écossais ; en 1865, M. Owen cita l'Anthrakerpeton du Glamorganshire ; tout récemment, M. Huxley à an- noncé que, dans le terrain houiller d'Irlande, on a mis au jour six genres de reptiles, dont cinq sont nouveaux, savoir : Urocordylus, Ophi- derpeton, Ichthyerpeton , Keraterpeton, Lepterpeton; enfin M. Frossard a trouvé en France l'échantillon que je vais décrire. Ainsi on connaît maintenant dix-neuf genres de reptiles dans des formations géolo- giques que l’on pouvait, il y a quelques années, supposer privées d'animaux plus élevés que les poissons.
Je propose d'inscrire le fossile de Muse sous le nom d’Acti-
REPTILE DÉCOUVERT PAR M. FROSSARD. 23
nodon ‘, qui fait allusion à la netteté de la disposition rayonnée des dents vues au microscope, et forme opposition avec le mot Labyrin- thodon, employé pour le type de l'ordre qui renferme les reptiles les plus voisins des ganocéphales. La principale pièce recueillie par M. Frossard est une plaque de schiste (pl. 5, fig. 1) où l’on remarque un crâne, deux mandibules, des morceaux de palais, des débris qui semblent avoir dépendu de l'appareil branchial, des vertébres. des côtes, un entosternum, deux épisternum, une clavicule, deux coracoïides, deux os de l’avant-bras et quatre doigts; tous ces mor- ceaux appartiennent à un méme animal dont le corps est vu sur la face ventrale. L'existence d’un second individu est indiquée par quelques autres os et un fragment de mâchoire inférieure.
Description des os du crâne.
Le crâne est court comparativement à sa largeur. Les orbites (fig. 4, or.) sont grandes, presque rondes, plus étroites que l’espace inter- orbitaire; leur bord postérieur est sur la même ligne que la suture des pariétaux avec les frontaux. Les pariétaux p. laissent entre eux un trou central {. p. Je n'ai pas vu de fosse temporale; le tympanique lym., le squameux sg. et le supra-squameux s. sg. semblent avoir été soudés. L'occipital est recouvert par une des mandibules; rien n’an- nonce qu'il y ait eu des condyles occipitaux. Des morceaux, les uns encore adhérents au crâne pt. et les autres isolés pté. ont l'aspect de débris des ptérygoides. Derrière l'orbite, il y a deux os, le post-orbi- taire p. 0. de petite dimension, et le frontal postérieur fr. p. qui se continue contre le frontal principal pour s'unir au frontal antérieur. Les frontaux fr. sont plus longs que larges. Les frontaux antérieurs
1. ‘Auris, Les rayon; Gdcde, évros dent.
2h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM.
fr. a. sont triangulaires. Je n'ai pas aperçu la séparation des lacry- maux. Les jugaux jug. se joignent en arrière avec le squameux et le . supra-squameux. Les palatins pal. sont allongés et parallèles aux maxillaires. Le vomer v. est très-développé, et dessine en avant un arc de cercle; entre lui, les palatins et les maxillaires, il y a de chaque côté un trou palatin qui est très-grand pal.; les maxillaires m. s'étendent jusqu'au niveau du bord postérieur des orbites. Les inter- maxillaires ont disparu, et les os nasaux sont cachés.
Les mandibules ont quelque ressemblance avec celles des croco- diles; leur face externe est réticulée; elles s’attachent à la partie la plus reculée du crâne ; leur principale hauteur est au dernier quart de la longueur; on distingue le dentaire den. qui est très-prolongé en ar- rière, l’angulaire an. et l’articulaire ar. Sur une des mandibules qui se présente du côté interne, l’operculaireop., en partie brisé, laisse aper- cevoir le canal dentaire c. d.; la symphyse sym. est courte.
Dans le voisinage des mâchoires, on a trouvé des morceaux dont l'aspect rappelle les pièces d’un appareil branchial ; mais ils ont été
très-endommagés.
Description des dents. *
Le vomer et les ptérygoides portent une multitude de petites dents d. en forme de cardes; on ne les voit bien qu’à la loupe. En outre, sur le vomer, il y a en avant de chaque cavité palatine une dent assez forte d. v. Les palatins ont des dents d. p. de même taille que celles du vomer; on en compte quatre sur un côté, six sur l'autre. Les dents du maxillaire qui est le moins endommagé d. m. sont au nombre de vingt-quatre; il doit y en avoir eu davantage, car l'os n'est pas complet; elles sont d'autant plus grandes qu’elles sont
REPTILE DÉCOUVERT PAR M. FROSSARD. 25
plus en avant, de sorte que les plus proches du bout du museau éga- lent presque celles du vomer et des palatins.
Les dents de la mâchoire inférieure sont semblables à celles des maxillaires; j'en compte vingt-neuf sur une seule mandibule ; à en juger par les vides qui les séparent, il y a de la place pour un nombre presque double; cependant je ne pense pas qu'il y en eût beaucoup plus de vingt-neuf à la fois. A la partie antérieure de la mâchoire. on remarque des dents situées sur un rang interne, qui sont un peu plus fortes que les autres et ont dû correspondre à celles du vomer.
Le mode d'implantation des dents à quelque chose d’indécis, ce qui ne saurait étonner chez un reptile aussi primitif que l'Actinodon : on trouve un système intermédiaire entre le système acrodonte, le système thécodonte, et le système pleurodonte ; il n’est pas franche- mentacrodonte, car il y a de légers alvéoles, ni thécodonte, puisque les alvéoles ont en général moins de 0",004 pour loger les dents dont la hauteur dépasse 0",006 ; enfin les dents n'ont pas un trou comme chez les iguanes, et, bien qu’elles soient un peu plus déchaussées sur le bord interne que sur le bord externe, ce caractère n’est pas assez marqué pour constituer un type pleurodonte.
Les
dents